dimanche 13 avril 2008

Interview de Monsieur Patrick BRUNOT, Docteur d’État en Droit, Avocat, Professeur à l’École des Hautes Études Internationales de Paris

Interview de Monsieur Patrick BRUNOT, Docteur d’État en Droit, Avocat, Professeur à l’École des Hautes Études Internationales de Paris.

Q : Étant spécialiste en droit, pourriez-vous m'expliquer le fond de ces émeutes liées à l'affaires interne, en particulièrement une analyse sous l'angle juridique ? Et quelles sont votre impression et compréhension sur le Tibet et sur le désaccord entre le Tibet et le gouvernement chinois ?

R : Nul n’est besoin d’être spécialiste en droit ou en science politique pour donner son opinion sur ces journées qui ont ébranlé le Tibet.

De toute évidence, il y a eu des émeutes que les autorités chinoises ont réprimées pour préserver l’intégrité du pays, est-ce là un comportement contraire aux fondements mêmes de la souveraineté de l’État ?

Il est clair que certains idéologues occidentaux tentent de modeler une Russie, un Iran, une Chine « indépendants » alors que ces pays sont en totale métamorphose. Qui peut s’arroger le droit de faire un reproche à la Chine et sur quel fondement juridique ?

Vous savez que la France a décidé d’envoyer des renforts en Afghanistan car son Président ne veut pas abandonner ce pays. Pourquoi la Chine abandonnerait-elle le Tibet, une région autonome pour laquelle la Nation chinoise a consenti des investissements élevés ?

Au contraire, il est difficile de nier que la sinisation n’a pas été favorable au Tibet, il suffit de citer, par exemple, la voie ferrée à haute altitude Qinhai-Tibet. Cette région se doit de préserver son autonomie face à la mondialisation et la globalisation et de considérer la Chine comme une protectrice et non comme une ennemie.

S’il est exact que le Tibet compte 460 000 moines et religieuses, 4 mosquées avec 3000 musulmans et une église catholique avec 700 fidèles, alors il faut reconsidérer le débat!

Comme le disait GANDHI, « ce serait général si le Tibet ou la Tchétchénie pouvaient être réellement indépendants plutôt que de servir de base avancée pour l’invasion américaine ».

Pour revenir au point de vue juridique, je dois souligner que l’analyse de la situation repose sur un malentendu supplémentaire car pour beaucoup de tibétains, le Dalaï-lama reste à la fois leur chef spirituel et temporel, ce qui est en contradiction radicale avec les termes de l’accord en 17 points de 1951.

Q : Quel rôle les médias occidentaux ont-ils joué dans les reportages ? Et Vu la version faite par le médiat occidental, il existe toujours le montage des photos et de la vidéo qui fausse la vérité des violences. Heureusement, CNN et la chaîne allemande de télé RTL ont publié une lettre d'excuses au grand public. Alors que pensez-vous de ce phénomène et de son initiative ?

R : Vous avez certainement lu le livre de deux journaliste américains publié par l’Université du Kansas en 2002 « La CIA et la guerre secrète au Tibet » dans lequel les deux ex-agents de la grande centrale américaine assimilent l’intervention chinoise au Tibet en 1959 à l’invasion de la « Baie des cochons » à Cuba.

La Chine est convaincue que l’Occident conspire contre elle. Des campagnes de réponses à la désinformation ambiante pourraient juste titre être faite à ce sujet ne serait-ce pas exemple que sur le fonctionnement international de la secte Falun Gong mais cette stratégie n’a pas été retenue par Pékin car sans doute, elle n’est pas conforme à celle de la diplomatie chinoise.

De tout temps, des campagnes de dénigrement se sont déchaînées contre la Chine. Pour rester dans le domaine de l’actualité, on peut citer la question des Droits de l’Homme, Taiwan, le combat médiatique sur la politique monétaire, la mise en cause des fabricants chinois de jouets (pourtant le groupe de jouets Mattel a présenté ses excuses aux fournisseurs chinois et aux consommateur) et bien sûr la question du Tibet qui ne cessent d’agiter les leader de l’opinion mondiale que sont les journalistes et surtout les quelques agences internationales de presse.

Vous m’avez fait part de votre stupéfaction face aux arrestations au Tibet « d’émeutiers professionnels » et aux montages photos, mais ces informations ne doivent pas rester confidentielles !

Il semblerait également justifié de répondre à ceux qui déclarent ouvertement que « les autorités chinoises seraient divisée sur le règlement de la question tibétaine » ou également par exemple de répondre à cet ancien ambassadeur de France au Népal qui signe cette semaine dans Paris-Match une interview intitulée « Les Tibétains sont devenus les Peaux-Rouges des chinois ».

3. D'après vous, les émeutes au Tibet sont vraiment liées aux JO de Beijing ? En particulier, le boycott des JO 2008 pourrait à quoi servir ?

R : Les émeutes au Tibet ne se sont pas produites par hasard cette année de manière spontanée. A vrai dire, la Chine déclenche une peur panique à l’égard de ceux qui ne la connaissent pas bien sauf pour aller y signer des contrats.

Le boycott des Jeux Olympiques servirait aux yeux de ceux qui ne connaissent pas la Chine à empêcher à ce peuple de construire le modèle démocratique socialiste présenté par le Président Hu Jintao lors du XVIIème Congrès du Parti Communiste Chinois et de jouer un rôle déterminant dans les relations internationales de notre époque en devenant peut-être la première puissance mondiale du siècles

Alors que l’ONU et la Banque Mondiale considèrent que c’est le pays qui a le mieux réussi à lutter contre la pauvreté, certains voudraient tenter un chantage sur les Droits de l’Homme visant à étouffer la force chinoise en la présentant comme néfaste et dangereuse.

D’autres voudraient par exemple, que le Parlement Européen s’est prononcé le 10 avril pour soutenir que le peuple tibétain n’est pas respecté comme il se doit par les autorités chinoises alors qu, comme l’admettait déjà en 1979 Deng Xiaoping au frère du Dalaï-lama « hormis l’indépendance, tout peut être discuté concernant le Tibet ». Malgré ce postulat, le Dalaï-lama n’a jamais répondu aux invitations de Pékin.

Aujourd’hui, peu de responsables politiques de premier plan se sont prononcés en fait sur le boycott des JO de Pékin hormis quelques ONG se réclament de la conception occidentale des Droits de l’Homme et de la Démocratie. Par contre, lors de son récent voyage à Pékin, le Président SARKOZY a reconnu que « le monde avait besoin de la Chine pour régler les crises du monde comme celles de l’Iran, du Darfour ou de la Corée du Nord ». Et en ce qui concerne le strict problème du Tibet, Madame Christine OCKERENT, journaliste très connue en France et épouse du Ministre actuel des AF, déclarait le 27 mars dernier dans un hebdomadaire suisse que « la question tibétaine dont s’emparent avec naïveté et quelque hypocrisie toutes nos bonnes consciences occidentales, est plus compliquée qu’il n’y paraît. »

En conclusion, et pour s’efforcer de rester le plus objectif et optimiste possible, je vous dirais que la réponse à ces questions que nous examinons s’appréciera à l’évidence à l’autre des résultats chinois lors des prochains JO qui se présentent sous les meilleurs auspices.

Propos recueillis par LI Yan, journaliste du Quotidien du Peuple

Envoyé par son auteur au site soutenirjo2008.blogspot.com

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